Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/203

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sur ce sujet ; je n’ambitionne pas d’autre récompense que de vous savoir heureux.

— Je le suis, mon ami, s’écria le chasseur avec émotion, je le suis plus que je ne saurais le dire ; mais c’est justement ce bonheur qui m’effraye. Ma mère est près de moi, c’est vrai ; mais, hélas ! vous connaissez la vie à laquelle nous condamne l’existence du désert, toute de lutte et de combat ; en ce moment surtout où nous sommes à la poursuite d’une vengeance implacable, convient-il de faire partager les hasards et les dangers de cette vie à ma mère, cette femme d’un âge avancé, d’une santé chancelante ? Pouvons-nous, sans être cruels, l’obliger à nous suivre sur la piste du misérable que nous poursuivons ? Non, n’est-ce pas ? aucun de vous, j’en suis convaincu, ne me donnera ce conseil ; mais que faire ? Ma mère ne peut non plus demeurer seule ici, dans cette grotte, abandonnée, loin de tout secours, à des privations sans nombre ; nous ne savons où peut nous entraîner demain le devoir que nous avons juré d’accomplir. D’un autre côté, ma mère, si heureuse de notre réunion, consentira-t-elle si promptement à une séparation même provisoire, séparation qui peut, suivant les circonstances, durer un temps indéfini ? Je vous prie donc vous tous, mes seuls et vrais amis, de me conseiller, car j’avoue que je ne sais à quel parti me résoudre ; parlez, mes amis, dites-moi ce que je dois faire.

Il y eut un assez long silence parmi les chasseurs.

Chacun comprenait l’embarras de Valentin ; mais le remède était fort difficile à trouver, car tous étaient intérieurement maîtrisés par la pensée de poursuivre à outrance le Cèdre-Rouge et de ne pas lui donner