Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/245

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En effet, à peine le Français achevait-il de parler, que le chef indien montrait sa tête au niveau de la plate-forme, puis son corps, et, d’un bond, se retrouvait auprès de ses amis.

Son zarapé, attaché par les quatre coins, pendait derrière son dos.

— Que portez-vous donc là, chef ? lui demanda Valentin en souriant ; seraient-ce des vivres ?

— Cuerpo de Cristo ! s’écria le général, ils seraient les bien-venus, car j’ai une faim de loup.

— Où trouver des vivres dans ces affreuses régions ? s’écria don Pablo d’une voix sombre.

— Que mes frères regardent ! répondit simplement le chef.

Et il jeta son zarapé sur la neige. Valentin défît les nœuds.

Les chasseurs poussèrent un cri de joie, presque de bonheur.

Le zarapé contenait un lièvre, un jeune pécari et plusieurs oiseaux.

Ces provisions arrivant si à point, lorsque depuis quarante-huit heures déjà les chasseurs étaient à jeun, cela semblait tenir de la magie.

Pour comprendre l’émotion qu’éprouvèrent les quatre hommes à la vue de ces vivres si désirés, il faut avoir soi-même passé par toutes les angoisses de la faim sans espoir de l’assouvir.

C’était du délire, presque de la frénésie.

Lorsque la première impression fut un peu calmée, Valentin se tourna vers le chef, et lui serrant la main avec tendresse, tandis qu’une larme roulait dans ses yeux :

— Mon frère est-il donc un machi-sorcier ? lui dit-il.