Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/256

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le nœud coulant s’était serré : de cette façon la communication était établie ; mais cette communication, ce pont, ainsi que disait Valentin, consistait seulement en deux cordes de cuir grosses comme l’index, tendues sur un précipice d’une profondeur inconnue, large de quinze mètres au moins, et qu’il fallait traverser à la force des poignets.

Certes, avant de se hasarder sur cet étrange chemin, il y avait matière à réflexion, même pour l’homme le plus brave. Faire, ainsi suspendu par les mains au-dessus d’un abîme, une longueur de quinze mètres, ce n’était pas tentant par cette nuit sombre, sur cette corde qui pouvait ou se rompre ou se dénouer. Les chasseurs hésitèrent.

— Eh bien, leur dit Valentin, partons-nous ?

Nul ne répondit.

— C’est juste, fit le chasseur en souriant, vous désirez savoir si le pont est solide, n’est-ce pas ? À votre aise !

Alors, de ce même pas calme qui lui était ordinaire, le chasseur s’avança vers le bord du précipice. Arrivé auprès du lasso, il le saisit des deux mains, et se tournant vers ses compagnons :

— Regardez, dit-il avec cette insouciance dont il n’avait jamais pu se défaire, la vue n’en coûte rien.

Et doucement, sans se presser, avec ce laisser-aller d’un professeur qui fait une démonstration, il franchit le précipice à reculons, afin de pouvoir bien enseigner à ses amis de quelle façon ils devaient s’y prendre.

Puis, lorsqu’il eut touché le bord opposé, sur lequel il laissa son fusil, il retourna tranquillement auprès de ses amis.