Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/258

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vu dans trop de circonstances suprêmes pour douter de son courage.

— Pourquoi donc ? lui demanda-t-il.

Le général se leva, lui serra le bras, et, collant presque sa bouche à son oreille en jetant autour de lui un regard effaré :

— Parce que j’ai peur ! dit-il d’une voix basse et concentrée.

À cet aveu auquel il était si loin de s’attendre, Valentin fit un bond de surprise, et, examinant son ami avec le plus grand soin, tant ce qu’il venait d’entendre lui paraissait monstrueux dans la bouche d’un pareil homme :

— Vous voulez rire ? répondit-il.

Le général secoua la tête :

— C’est ainsi, dit-il, j’ai peur ; oui, je le comprends, ajouta-t-il après un instant en poussant un soupir, cela vous semble étrange, n’est-ce pas, que je vous dise cela, moi que vous avez vu en riant braver les plus grands périls, moi que rien jusqu’à présent n’a pu étonner ? Que voulez-vous, mon ami, cela est ainsi, j’ai peur ; je ne sais pourquoi, mais l’idée de traverser ce précipice en me soutenant par les poignets à cette corde qui peut se rompre sous mon poids, me cause une terreur ridicule, invincible, dont je ne me rends pas compte, et qui malgré moi me fait frissonner d’épouvante ; cette mort me semble hideuse, je ne saurais m’y exposer.

Pendant que le général parlait, le chasseur le regardait tout en lui prêtant la plus grande attention.

Le général Ibañez n’était plus le même homme ; son front était pâle, une sueur froide inondait son visage, un tremblement convulsif agitait tous ses