Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/274

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pâle qui, les mains jointes et les yeux baissés, priait à voix basse.

Le temps s’écoulait, le vent mugissait lugubrement dans les quebradas ; la lune, à demi noyée dans un flot de vapeurs, n’envoyait qu’à de longs intervalles ses rayons blafards, qui éclairaient d’une lueur fantastique et incertaine cette scène de désolation, dont le silence sinistre n’était troublé parfois que par un blasphème étouffé ou un gémissement arraché par la douleur.

Ellen releva la tête et promena sur ses compagnons un regard chargé de compassion.

— Courage, murmura-t-elle de sa voix douce, courage, mes frères ! Dieu ne peut nous abandonner ainsi.

Un ricanement nerveux fut la seule réponse qu’elle obtint.

— Hélas ! reprit-elle, au lieu de vous laisser ainsi aller au désespoir, pourquoi ne pas prier, mes frères ? la prière console, elle donne des forces et rend l’espoir.

— Étanchera-t-elle la soif damnée qui me brûle la gorge ? répondit brutalement le moine en se relevant péniblement sur le coude et fixant sur elle un regard furieux. Taisez-vous, folle jeune fille, si vous n’avez pas d’autres secours que vos banales paroles à nous donner.

— Silence ! moine damné, interrompit brusquement Sutter en fronçant le sourcil ; n’insultez pas ma sœur ! elle seule peut nous sauver peut-être, car si Dieu a pitié de nous, ce sera à sa considération.

— Ah ! fit le moine avec un rire hideux, à présent vous croyez en Dieu, mon maître ! Vous vous