Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un assez beau coup ; mais soyez persuadés que cet animal jouit d’une réputation usurpée, à cause de la mauvaise habitude qu’il a prise d’attaquer l’homme, dont pourtant il n’est presque jamais vainqueur.

— Mais voyez donc, mon ami, quelles griffes acérées ! elles ont au moins six pouces de long.

— C’est vrai : je me rappelle un pauvre Comanche auquel un ours gris avait laissé tomber sa patte sur l’épaule, elle fut broyée en un clin d’œil. Mais, n’est-ce pas que c’est une chasse intéressante ? Je vous avoue qu’elle a pour moi un attrait irrésistible.

— Libre à vous, mon ami, dit don Miguel, de vous plaire à combattre de pareils monstres, je le comprends : la vie que vous menez au désert vous a tellement familiarisé avec le danger, que vous en êtes venu à ne plus y croire ; mais nous autres habitants des villes, je vous avoue que nous avons pour ce monstre un respect et une terreur invincibles.

— Allons donc, don Miguel, vous parlez ainsi, vous que j’ai vu en vous jouant lutter corps à corps avec des tigres !

— C’est possible, mon ami, dans l’occasion je le ferais probablement encore, mais un jaguar n’est pas un ours gris.

— Allons, allons, je ne vous chicanerai pas plus longtemps. Pendant que Curumilla prépare notre déjeuner, je vais pousser une reconnaissance jusqu’au fond du ravin. Aidez notre ami à nous faire rôtir ce cuissot de ma chasse, et je suis sûr que lorsque vous en aurez goûté, la saveur recherchée de ce mets modifiera complètement votre opinion sur les ours gris.

Et jetant insoucieusement sur l’épaule son rifle qu’il avait rechargé tout en causant, Valentin s’en-