Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/412

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leur en ferai s’ils tombent entre mes mains. Qu’ils prennent garde, by God ! je suis le Cèdre-Rouge ! celui que les Indiens ont surnommé le mangeur d’hommes, et je leur dévorerai le cœur ! Ainsi, à présent, soyez tranquille, moine, nous ne nous quitterons plus ; vous êtes ma conscience, nous sommes inséparables.

Le squatter prononça ces atroces paroles avec un tel accent de rage et de haine que le moine comprit qu’il dirait bien réellement la vérité et que définitivement les instincts mauvais avaient pris le dessus.

Un hideux sourire de joie plissa ses lèvres.

— Allez, compadre, dit-il, allez à la découverte, nous vous attendons ici.

Le squatter s’éloigna.

Pendant son absence, pas une parole ne fut prononcée entre les trois interlocuteurs ; Sutter dormait, le moine pensait, Ellen pleurait.

La pauvre enfant avait entendu avec une douleur mêlée d’épouvante l’atroce profession de foi de son père ; elle avait alors mesuré l’épouvantable profondeur de l’abîme dans lequel elle venait subitement de rouler, car cette détermination du Cèdre-Rouge la séparait à jamais de la société et la condamnait à mener toute sa vie une existence de déboire et de larmes.

Après une heure d’absence environ, le Cèdre-Rouge reparut.

L’expression de son visage était joyeuse.

— Eh bien ? lui demanda anxieusement le moine.

— Bonnes nouvelles ! répondit-il ; j’ai découvert un refuge où je défie les plus fins limiers de la prairie de me dépister.