Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/53

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duquel il avait étendu son zarapé ; il la posa avec précaution sur cette couche moins dure. La tête de la jeune fille se pencha, insensible, sur son épaule.

Alors il la considéra longuement.

La douleur et la pitié étaient peintes sur le visage du Blood’s Son.

Lui, dont la vie n’avait été jusqu’alors qu’un long drame, qui n’avait nulle croyance dans le cœur, qui ignorait les doux sentiments et les secrètes sympathies, lui, le vengeur, le tueur d’Indiens, il était ému et sentait quelque chose de nouveau se remuer dans ses entrailles.

Deux grosses larmes coulèrent sur ses joues bronzées.

— Ô mon Dieu ! serait-elle morte, s’écria-t-il avec découragement. Oh ! ajouta-t-il, j’ai été lâche et cruel envers cette faible créature, et Dieu me punit.

Le nom de Dieu, qui ne lui servait qu’à blasphémer, il le prononça presque avec respect.

C’était une sorte de prière, un cri de son cœur ; cet homme indomptable était enfin vaincu, il croyait.

— Comment la secourir ? se demandait-il.

L’eau, qui continuait à tomber par torrents et inondait la jeune fille, finit par la ranimer.

Elle entr’ouvrit les yeux en murmurant d’une voix éteinte :

— Où suis-je ? Que s’est-il donc passé ? Oh ! j’ai cru mourir.

— Elle parle, elle vit, elle est sauvée ! s’écria le Blood’s Son.

— Qui est là ? s’écria-t-elle en se relevant avec peine.

À la vue du brun visage du chasseur, elle eut un mouvement d’effroi, referma les yeux et retomba accablée.