Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/43

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peut vaincre que lorsque l’on se trouve en nombre ; un homme seul commet, en les attaquant, une folie impardonnable dont il est toujours victime.

— Soyez convaincu, monsieur, que la leçon que j’ai reçue aujourd’hui me profitera et que jamais je ne me fourrerai dans un guêpier semblable ; j’ai été trop près de payer cher mon imprudence. Mais je vous en prie, monsieur, ne nous séparons pas sans que je sache le nom de mon sauveur.

— Puisque vous l’exigez, monsieur, apprenez-le donc : je suis don Miguel de Zarate.

L’inconnu lui jeta un regard étrange en réprimant un mouvement de surprise.

— Ah ! fit-il d’un ton singulier, merci, don Miguel Zarate ; sans vous connaître personnellement, je savais déjà votre nom.

— C’est possible, répondit l’hacendero, car je suis fort connu dans ce pays, où ma famille est établie depuis de longues années.

— Moi, monsieur, je suis celui que les Indiens nomment Ouitchasta-jouté, le mangeur d’hommes ; et les chasseurs, mes confrères, le Cèdre-Rouge.

Et après avoir porté la main à son bonnet, par forme de salut, cet homme jeta son rifle sur l’épaule, tourna sur lui-même et s’éloigna à grands pas.

Don Miguel le suivit un instant des yeux, puis il se dirigea tout pensif vers la maison qu’il habitait au Paso.

L’hacendero ne se doutait pas qu’il avait sacrifié son cheval favori pour sauver la vie à son ennemi le plus implacable.