Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/157

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— Partez tranquille, don Tadeo, allez où votre devoir vous appelle, répondit Louis d’une voix profonde, je vous jure que moi vivant, aucun danger ne la menacera ni de loin ni de près, il faudra marcher sur mon cadavre pour arriver jusqu’à elle.

— Merci, don Luis, répondit le Cœur Sombre, ému de l’accent du gentilhomme, j’ai foi en votre parole, je sais que vous tiendrez votre serment quand même ; du reste, dans quelques heures, j’espère être de retour, et puis ici, elle ne peut rien avoir à redouter.

— Je veillerai, répondit le jeune homme.

— Merci encore une fois.

Don Tadeo quitta les jeunes gens et entra dans la tente où dona Rosario, couchée dans un hamac, se balançait doucement en rêvant ; à l’arrivée de son tuteur, elle se leva vivement.

— Ne vous dérangez pas, je vous en supplie, chère enfant, dit don Tadeo en l’obligeant à reprendre sa première position, je n’ai que deux mots à vous dire.

— Je vous écoute, mon ami.

— Je viens vous faire mes adieux.

— Comment, vos adieux, don Tadeo ! s’écria-t-elle avec effroi.

— Oh ! rassurez-vous, peureuse, pour quelques heures seulement.

— Ah ! fit-elle avec un sourire de satisfaction.

— Mon Dieu, oui ! figurez-vous qu’il y a ici aux environs une grotte excessivement curieuse ; j’ai eu la maladresse ce matin d’en dire quelques mots devant don Valentin, et ce démon de Français, ajouta-t-il avec un sourire, veut absolument que je l’y conduise, de façon que, pour me débarrasser de ses importunités, ma foi, j’ai fini par y consentir.

— Vous avez bien fait, dit-elle vivement, nous avons de grandes obligations à ces deux caballeros français, et ce que vous a demandé celui-ci était de si mince importance…

— Que j’aurais eu mauvaise grâce à le refuser, interrompit don Tadeo ; aussi ne l’ai-je pas fait. Nous allons donc partir tout de suite afin d’être plus tôt de retour ; ne vous ennuyez pas trop pendant mon absence, chère enfant.

— Je tâcherai, dit-elle d’un air distrait.

— Du reste, je vous laisse pour veiller sur vous don Luis, vous causerez tous deux et le temps passera plus vite.

La jeune fille rougit.

— Revenez bientôt, mon ami, dit-elle.

— Le temps d’aller et de revenir, pas davantage ; allons, adieu, chère enfant.

Don Tadeo sortit de la tente et rejoignit les jeunes gens.

— Adieu, don Luis, dit-il, venez-vous, don Valentin ?

— Comment, si je viens ? répondit en riant le Parisien ; Caramba ! je serais désespéré de manquer l’occasion que vous m’offrez, de juger si vous vous entendez aussi bien en révolutions que nous autres Français.

— Eh ! nous sommes jeunes encore, répondit modestement don Tadeo, mais pourtant nous commençons à nous former, je vous l’assure.