Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/170

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— Dix mille, fit le chef avec orgueil.

— Tous guerriers expérimentés ?

— Tous.

— Qu’exigez-vous pour me les donner ?

— Mon père le sait.

— J’accepte toutes vos conditions, excepté une.

— Laquelle ?

— Celle de vous abandonner la province de Valdivia.

— Mon père ne va-t-il pas regagner cette province d’un autre côté ?

— Comment cela ?

— Ne dois-je pas aider mon père à conquérir la Bolivie ?

— Oui.

— Eh bien ?

— Vous vous trompez, chef, ceci n’est plus la même chose, je puis augmenter le territoire chilien, mais l’honneur me défend de l’amoindrir.

— Que mon père réfléchisse, la province de Valdivia était anciennement un Utal-Mapus araucan.

— C’est possible, chef, mais à ce compte-là tout le Chili était araucan avant la découverte de l’Amérique.

— Mon père se trompe.

— Je me trompe ?

— L’Incas Sinchiroca avait, cent ans auparavant, conquis la terre chilienne jusqu’au Rio-Maule.

— Vous connaissez bien l’histoire de votre pays, chef ! observa le général.

— Est-ce que mon père ne connaît pas l’histoire du sien ?

— Ce n’est pas de cela qu’il s’agit, acceptez-vous, oui ou non, mes propositions ?

Le chef parut réfléchir un instant.

— Eh bien, répondez, reprit le général, le temps presse.

— C’est juste, alors je vais réunir un auca coyog, — conseil, — composé des Apo-Ulmènes et des Ulmènes de ma nation, et je lui soumettrai les paroles de mon père.

Le général réprima avec peine un geste de colère.

— Vous plaisantez sans doute, chef, dit-il, vos paroles ne sont pas sérieuses ?

— Antinahuel est le premier toqui de sa nation, répondit l’Indien avec hauteur, il ne plaisante jamais.

— Mais c’est sur-le-champ, dans quelques minutes, qu’il faut que vous me donniez votre réponse, s’écria le général ; qui sait si avant une heure nous ne serons pas obligés de marcher en avant ?

— De même que mon père, mon devoir est d’accroître le territoire de mon peuple.

On entendit le galop d’un cheval qui s’approchait ; le général s’élança vers l’entrée de la tente où un officier d’ordonnance venait de paraître.

Cet officier avait le visage couvert de sueur, quelques taches de sang marbraient çà et là son uniforme.