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— Chefs des Aucas, dit-il, que m’ordonnez-vous ?

— Antinahuel, répondit Cathicara en jetant la hache de pierre dans le brasier, mouvement que les autres toquis imitèrent immédiatement, il n’y a plus qu’une hache suprême dans la nation, elle repose dans votre main ; qu’elle se rougisse jusqu’à la poignée dans le sang vil des Huincas ; guidez nos Utal-Mapus au combat, vous avez le pouvoir suprême ! nous vous donnons droit de vie et de mort sur nos personnes ; à compter de cette heure, seul dans la nation, vous avez le droit de commander : nous, quels que soient vos ordres, nous saurons les accomplir.

Antinahuel s’avança la tête haute, le front rayonnant, brandissant dans sa main nerveuse sa puissante hache de guerre, symbole du pouvoir dictatorial et sans contrôle qui venait de lui être conféré.

— Aucas, dit-il d’une voix fière, j’accepte l’honneur que vous me faites, je saurai me rendre digne de la confiance que vous mettez en moi ; cette hache ne sera enterrée que lorsque mon cadavre aura servi de pâture aux vautours des Andes, ou lorsque les lâches visages pâles, contre lesquels nous allons combattre, seront venus à genoux implorer leur pardon !

Les chefs répondirent à ces paroles par des cris de joie et des hurlements féroces.

L’auca-coyog était terminé.

Des tables furent installées et un cahuin — banquet — réunit tous les guerriers présents au conseil.

Au moment où Antinahuel s’asseyait à la place qu’on lui avait réservée, un Indien couvert de sueur et de poussière s’approcha de lui et lui dit quelques mots tout bas.

Le chef tressaillit : un mouvement nerveux agita tous ses membres, et il se leva en proie à la plus vive agitation.

— Oh ! s’écria-t-il avec colère, c’est à moi seul que cette femme doit appartenir ! et s’adressant à l’Indien qui lui avait parlé : Que mes mosotones montent à cheval et soient prêts à me suivre à l’instant !




XLII

COURSE DE NUIT.


D’un signe, Antinahuel ordonna au Cerf Noir de venir près de lui.

L’Apo-Ulmen ne se fit pas attendre ; malgré les nombreuses libations auxquelles il s’était livré, le chef araucan avait le visage aussi impassible, la démarche aussi calme que s’il n’avait bu que de l’eau.

Arrivé devant le toqui, il le salua respectueusement et attendit en silence qu’il lui adressât la parole.