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Quelques heures plus tard, ces lieux étaient retombés dans leur solitude habituelle, que troublait seul par intervalles le vol des condors ou la course effarée des guanaccos.

Chiliens et Araucans avaient disparu !




xx

L’APPEL


Il faisait nuit.

Valentin et ses compagnons marchaient toujours.

Dès que la position gardée si résolument avait été évacuée, le Parisien avait immédiatement pris non seulement la direction, mais encore le commandement de la troupe.

Ce changement s’était opéré tout naturellement, sans secousses et sans réclamations de la part de ses compagnons.

Tous, instinctivement, lui reconnaissaient une supériorité que lui seul ignorait.

C’est que, depuis son arrivée en Amérique, Valentin se trouvait jeté dans les hasards d’une vie diamétralement opposée à celle que jusqu’alors il avait menée. Sa position, en s’élargissant, avait élargi son intelligence.

Valentin, doué d’une âme énergique, d’un cœur chaud, avait la décision "îl prompte et le regard empreint de cette fermeté qui commande ; aussi, à son insu, exerçait-il sur tous ceux qui l’approchaient une influence dont ils ne se rendaient pas compte, mais qu’ils subissaient.

Louis de Prébois-Crancé avait été le premier à éprouver cette influence ; dans le commencement il avait à plusieurs reprises cherché à s’y soustraire, mais bientôt il avait été forcé de convenir avec lui-même de la supériorité de Valentin, et il avait fini par l’accepter.

Les Araucans avaient fidèlement observé les conditions du traité : les Chiliens s’étaient tranquillement retirés sans apercevoir un coureur ennemi.

Ils suivaient la route de Valdivia.

Cependant, ainsi que nous l’avons dit en commençant, il faisait nuit : les ténèbres qui enveloppaient la terre confondaient tous les objets et rendaient la marche excessivement pénible.

Les chevaux fatigués n’avançaient plus qu’avec peine, et en trébuchant à chaque pas.

Valentin craignit avec raison de s’égarer dans l’obscurité. Arrivé sur les bords d’une rivière qu’il reconnut pour être celle où, quelques jours auparavant, avait eu lieu le renouvellement des traités, il fit halte et campa pour la nuit.

Il ne voulait pas, à cette heure avancée, se hasarder à passer sur l’autre rive, d’autant plus que, dans les temps ordinaires, cette rivière, qui n’est