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Le Forestier


Le cheval, délivré de son cavalier, se coucha aussitôt.

Une rafale effroyable, brisant et renversant tout sur son passage, arrivait avec une rapidité foudroyante.

Michel le Basque tomba à terre comme un sac, à peine éveillé encore et ne comprenant rien à ce qui se passait.

Heureusement pour le brave aventurier, le choc fut rude et il resta à demi évanoui, étendu tout de son long.

En même temps, un crépitement sec, strident comme celui que produirait une batterie de cent pièces de gros calibre, éclata avec une force épouvantable : les eaux de la rivière, soulevées par une force inconnue, se gonflèrent, semblèrent bouillir et s’abattirent sur leurs rives, qu’elles inondèrent à droite et à gauche, à une grande distance ; la terre trembla avec des frémissements sourds et sinistres, de larges crevasses s’ouvrirent çà et là, les montagnes oscillèrent sur leurs bases, et les arbres bondirent et s’entrechoquèrent comme s’ils eussent été piqués de la tarentule.

Puis soudain le silence se fit, les nuages qui obscurcissaient le ciel se fondirent dans l’espace, le soleil reparut et le calme revint.

— Debout ! cria le guide d’une voix stridente.

Les deux hommes se relevèrent aussitôt ; ils jetèrent autour d’eux de regards effrayés.

La campagne avait complètement changé d’aspect, elle était méconnaissable en quelques secondes un bouleversement général s’était opéré, là où était une vallée il y avait une montagne, la rivière semblait avoir changé de lit, les arbres déracinés, tordus, brisés, enchevêtrés les uns dans les autres, gisaient pèle-mêle sur le sol, d’énormes crevasses s’étaient ouvertes, coupant la plaine dans tous les sens ; tout chemin, tout sentier avait disparu.

Cependant la brise de mer s’était levée et rafraîchissait l’atmosphère, le soleil brillait radieux dans l’éther azuré ; un calme profond avait, comme par enchantement, succédé à l’effroyable cataclysme ; les animaux rassurés avaient repris leur tranquillité première, les oiseaux recommençaient leurs chants sous la feuillée.

Jamais contraste plus profond et plus saisissant ne frappa les yeux de l’homme.

— Que faire ? demanda Fernan.

— Attendre, répondit le guide.

— Charmant pays, grommela Michel en se frottant les côtes, la terre même manque sous les pieds, à qui se fier, bon Dieu ! J’aime mieux décidément la mer.