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LES CHASSEURS D'ABEILLES

tête les harnais de son cheval, déposés sur un banc dans le zaguan, et se dirigea vers le corral.

Après en avoir ouvert la porte sans bruit, il siffla doucement ; à ce signal, le cheval redressa la tête, et, cessant de manger, il accourut auprès de son maître, qui l’attendait en tenant entr’ouverte la porte du corral.

Celui-ci le saisit par la crinière, le flatta en lui parlant doucement, puis il lui mit la selle et la bride avec cette dextérité et cette promptitude particulières aux hommes habitués de longue main aux voyages.

Lorsque le cheval fut sellé, son maître lui enveloppa avec soin les pieds dans des morceaux de peau de mouton, afin d’amortir le bruit de sa course ; puis, cette dernière précaution prise, il se mit légèrement en selle et, se penchant sur le cou de la noble bête :

— Santiago ! bravo ! c’est maintenant qu’il faut montrer ta légèreté.

Le cheval, comme s’il eût compris ces paroles, s’élança dans l’espace et détala avec une rapidité vertigineuse dans la direction de la rivière.

La plus grande tranquillité continuait à régner dans le rancho, où personne ne semblait s’être aperçu de cette fuite précipitée.


XII

LES PEAUX-ROUGES


Nous rentrerons maintenant dans le Far-West.

Sur les rives du Rio-Grande del Norte, à dix lieues environ du presidio de San-Lucar, s’élevait l’atepelt ou village de la passée des Venados.

Cet atepelt, simple camp provisoire comme la plupart des villages indiens, dont les mœurs nomades ne comportent pas d’établissement fixe, se composait d’une centaine de callis, ou cabanes irrégulièrement groupées les unes auprès des autres.

Chaque calli était construit d’une dizaine de pieux plantés en terre, hauts de quatre à cinq pieds sur les côtés, et de six à sept au milieu, avec une ouverture vers l’orient, pour que le martre du calli pût au matin jeter de l’eau en face du soleil levant, cérémonie par laquelle les Indiens conjurent le Wacondah de ne pas nuire à leur famille pendant le cours de la journée qui commence.

Ces callis étaient revêtus de peaux de bison cousues ensemble, toujours ouvertes au milieu, afin de laisser un libre essor à la fumée des feux de l’intérieur, feux qui égalent en nombre les femmes du propriétaire, chaque femme devant avoir un feu pour elle seule.

Les cuirs qui servaient de murs extérieurs étaient préparés avec soin et peints de diverses couleurs.

Ces peintures, par leur bizarrerie, égayaient l’aspect général de l’atepelt.

Devant l’entrée des callis les lances des guerriers étaient fichées droites