Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/31

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— Pas beaucoup, je dois l’avouer, mais cependant assez pour me hasarder à me présenter à lui.

— Fort bon.

— Cependant je vous préviens, chef, que cet homme, de même que tous ses pareils, mène une vie extrêmement vagabonde, étant tantôt dans un endroit et tantôt dans un autre, si bien que je suis fort embarrassé pour savoir où le rencontrer.

— Oach ! que mon père ne s’inquiète pas de cela ; le sachem le conduira au camp du tueur de tigres.

— Oh ! alors, très-bien ; je me charge du reste.

— Que mon père garde dans son cœur les paroles du Renard-Bleu. Les guerriers s’éveillent, ils ne doivent rien savoir. Lorsque l’heure sera venue, le chef dira à mon père ce qu’il désire de lui.

— À votre aise, chef.

L’entretien en demeura là.

Les guerriers s’éveillaient en effet, et le camp, si tranquille quelques instants auparavant, avait maintenant l’aspect d’une ruche, lorsque les abeilles se préparent au lever du soleil à se mettre en quête de leur moisson quotidienne.

Sur un signe du chef, le hachesto, ou crieur public, monta sur un arbre renversé et de là, dominant la foule, il fit entendre un cri strident qu’il répéta deux fois.

À cet appel tous les guerriers, même ceux qui jusqu’à ce moment étaient demeurés étendus sur le sol, se hâtèrent de venir se ranger derrière le chef. Il se fit alors pendant quelques minutes un silence profond ; tous les Indiens, les bras croisés sur la poitrine et le visage tourné vers le soleil levant, attendaient avec recueillement ce que le sachem allait faire.