Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/125

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événement venaient d’arriver à l’instant au gouvernement central.

Le colonel avait reçu de France une lettre qui l’avait fort affecté ; d’ailleurs, depuis quelque temps, il semblait triste, inquiet, préoccupé ; le lendemain du jour où il avait reçu la lettre, qu’il avait du reste anéantie, au milieu de la nuit, pendant que le camp dormait, le colonel s’était tué en se tirant deux coups de pistolet en pleine figure ; il avait été défiguré de telle sorte, qu’on ne l’avait reconnu qu’à son uniforme et à une bague qu’il portait constamment au petit doigt de la main gauche.

Le policier se retira désespéré : volontiers il se serait arraché les cheveux de rage de n’avoir pas réussi à s’emparer du colonel ; mais la mort du coupable annulait toutes poursuites.

Huit jours plus tard il s’embarqua pour la France, l’oreille basse et l’air penaud, comme un renard qu’une poule aurait pris.

Deux jours auparavant, vers deux heures du matin, deux hommes s’étaient embarqués furtivement à Arzew, sur un smuggler espagnol.

L’un de ces deux hommes était le marquis, l’autre son fidèle matelot Sébastian.

Ainsi tous deux, le mari et la femme, se croyaient mutuellement morts, et se sauvaient chacun dans des directions différentes.

En annonçant cette nouvelle à la marquise, installée depuis dix jours à Paris, avenue Montaigne, le docteur d’Hérigoyen ajoutait en post-scriptum :

« Ne vous réjouissez pas trop de cette mort, madame. Qui sait si votre mari, sans s’en douter, n’a pas suivi l’exemple que vous lui avez donné ? On peut tout supposer d’un homme de cette trempe. »

Le docteur d’Hérigoyen avait flairé la fourberie, si adroitement exécutée par le marquis.