Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/129

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— Vous me le promettez ?

— Je vous l’affirme ; mais pour cela, il faut que vous suiviez mes instructions à la lettre, et surtout que vous soyez patient.

— Oh ! soyez tranquille, docteur, dit le jeune homme avec amertume, je veux guérir ; jamais vous n’aurez eu de malade aussi docile.

— À la bonne heure, je vous félicite de cette résolution, quoiqu’elle émane d’un mauvais sentiment.

— Que voulez-vous dire, docteur, je ne vous comprends pas ? dit-il avec un accent qui aurait trompé tout autre que le clairvoyant médecin.

— Je veux dire, reprit celui-ci, que ce vif désir de guérir vite ne provient que de votre désir de tirer une éclatante revanche de votre défaite.

Le jeune homme détourna la tête sans répondre ; il craignait que son regard ne le trahît.

— Vous avez tort, reprit placidement le médecin, qui était loin de soupçonner la fureur qu’il allumait dans l’âme humiliée de son malade. Croyez-moi, restez en là ; l’homme, quel qu’il soit, avec lequel vous vous êtes mesuré, vous est de beaucoup supérieur.

— Vous croyez, docteur ? murmura le jeune homme avec amertume.

— Tout le prouve ; les marques qu’ils vous a laissées sur le corps en font foi ; je vais plus loin ; j’ai la conviction qu’il vous a ménagé, et, que s’il l’eût voulu sérieusement, il vous eût broyé comme vous broieriez mon fils, qui n’est qu’un enfant auprès de vous, si vous luttiez ensemble.

Felitz Oyandi fixa son regard perçant sur le médecin pour essayer de savoir si ses paroles ne cachaient pas une cruelle ironie.

Mais non ; le docteur était de bonne foi ; cela était facile à voir.

— Oh ! murmura le blessé avec un soupir ressemblant à un sourd rauquement de fauve aux abois.

— La colère est mauvaise conseillère, reprit le médecin avec bonhomie ; réfléchissez et rentrez en vous-même ;