Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/130

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vous avez trouvé plus fort que vous ; cela arrive à tout le monde ; acceptez franchement votre défaite et n’y pensez plus, c’est ce que vous avez de mieux à faire.

— Peut-être, en effet, avez-vous raison, docteur ; j’essayerai de suivre vos conseils.

— Suivez-les et vous vous en trouverez bien.

Tout en causant ainsi, le docteur avait pansé les blessures du jeune homme, avec cette adresse et cette légèreté de main qui distinguent les vieux praticiens.

— Là, voilà qui est fait, dit-il ; buvez ce cordial, ajouta-t-il, en lui présentant un verre à demi plein d’eau, dans lequel il avait versé quelques gouttes d’une liqueur noirâtre ; c’est un narcotique qui vous fera dormir et vous rendra le calme dont vous avez tant besoin. Le moral, vous le savez, influe beaucoup sur le physique. Mes remèdes, si puissants qu’ils soient, resteraient inefficaces si vous vous tourmentiez et si vous laissiez imprudemment travailler votre imagination, déjà tant surexcitée par la fièvre. Du calme, voilà ce qu’il vous faut.

— Je tâcherai d’oublier, docteur, murmura le blessé.

Le médecin l’examina pendant quelques minutes.

— Je reviendrai ce soir, dit-il au père du blessé. Jusque là, veillez à ce que personne n’entre ici.

Il prit alors congé et se retira, laissant son malade profondément endormi grâce au cordial qu’il avait bu.

Julian ne songeait plus à ce combat avec Felitz Oyandi ; le jeune homme était tout à son amour, à la joie d’avoir été par Denisà préféré à tous ses rivaux, et au bonheur de voir sa bien-aimée, de s’enivrer de son regard voilé d’une douce langueur, et de lui parler de son amour, en faisant force châteaux en Espagne pour l’avenir.

Denisà avait été aussitôt instruite de ce qui s’était passé entre les deux jeunes gens, après leur sortie de la veillée.

Si chaste et si innocente que soit une jeune fille, avant tout elle est femme, et surtout fière d’avoir bien placé son amour, et de reconnaître dans celui qu’elle aime ce