Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/159

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— Non, non, ce n’est pas possible ; cet homme restera dans l’ombre ; d’autres agiront à sa place contre toi.

— Oh ! une telle lâcheté est impossible. Il ne peut vouloir m’assassiner !

— Non pas personnellement, peut-être, mais d’autres le tenteront à sa place. Sache-le donc, tu es accusé de faire partie de je ne sais quelle société secrète ; tu es dénoncé, d’un moment à l’autre tu peux être arrêté.

— Qu’importe ! je ne suis pas coupable, on me relâchera.

— Quand ?

Ce simple mot fut la goutte d’eau glacée, tombant sur la vapeur en ébullition.

Julian baissa la tête en fronçant les sourcils.

Il se sentait enserré dans les mailles d’un filet invisible, qu’il lui était impossible de rompre :

Malgré lui il frissonna.

— Garçon, nous ne sommes pas en temps ordinaire, continua le docteur avec une fiévreuse insistance, mes amis m’avertissent et, tu le sais, ils sont en mesure d’être bien informés ; ils m’avertissent que le chef du gouvernement, parjure à ses serments et à son honneur, médite un coup d’État contre la République, à laquelle il prétend substituer l’Empire ; la bombe peut éclater d’un moment à l’autre ; la lutte sera terrible, la répression atroce et sans pitié ; souviens-toi du 18 Brumaire et du nom du Président actuel. Les mêmes moyens sont employés ; les chefs de ce mouvement seront tous des désespérés et des ambitieux qui n’auront rien à perdre et tout à gagner à pêcher en eau trouble ; ils seront implacables ; en temps de guerre civile, le patriotisme est le masque derrière lequel se cachent l’intérêt personnel, les haines, les lâches convoitises et tous ces sentiments hideux qui rendent tous les crimes possibles, et trouvent une justification toute prête, lorsque la force brutale a triomphé du droit et de la justice. Ne discute pas ; je te répète que je sais tout ; si tu m’aimes, Julian, ne me résiste pas, je t’en sup-