plie, mets-toi à l’abri au plus vite ; pars aujourd’hui, ce soir, s’il est possible.
— Mais où irai-je, mon père ?
— Le meilleur serait de passer en Espagne, dit Bernardo, nous ne sommes qu’à quelques pas de la frontière, je connais tous les ports fréquentés par les contrebandiers.
— Ce serait m’avouer coupable, dit le jeune homme avec dignité ; je n’y consentirai jamais, mon père.
— Eh bien, soit ! ne quitte pas la France, mais ne reste pas ici où tu serais trop exposé.
— Encore faut-il savoir où aller ?
— Eh bien, va passer quelques jours à Y…, nous avons dans cette ville des parents, par lesquels tu seras reçu à bras ouverts, et chez qui tu resteras en sûreté ; lorsque tout sera fini et l’ordre rétabli d’une façon ou d’une autre, je te l’écrirai, et tu reviendras.
— Et vous, mon père, resterez-vous donc ici ?
— Je le pourrais sans grands risques ; mais pour toi je serai prudent. J’ai à Bayonne des amis puissants appartenant à toutes les opinions politiques ; j’irai pendant quelque temps m’établir près d’eux. Si l’on m’attaque, ce que je ne crois pas, ils me défendront.
— Mon père, vous êtes un homme trop considérable et trop généralement respecté pour que l’en ose s’attaquer à vous, j’en ai l’intime conviction. Je considère cette retraite temporaire comme une preuve de condescendance de votre part pour les craintes que j’aurais en vous sachant seul ici. Je vous remercie sincèrement ; mon exil momentané en sera adouci. N’ayant plus à songer qu’à moi seul, je serai fort. Merci encore, mon père.
— Il ne nous reste plus qu’à nous entendre sur la façon dont tu opéreras ton départ.
— Oh ! ceci est la chose la plus simple ; mais Denisà, m’éloignerai-je donc sans la voir ?
— Non, dit Bernardo, je vais te l’amener avant une heure, fais tranquillement tes préparatifs.
— Elle nous avait promis de venir ce matin, dit le docteur, je m’étonne qu’elle ne soit pas encore ici.