Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/181

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À la moitié de la seconde bouteille toute sa défiance avait disparu.

— Vous êtes étrangers au pays ; je vois cela à votre accent, dit le vieillard en souriant.

— Nous sommes Basques des environs de Bayonne, répondit Julian pour son ami et pour lui. Nous allons faire visite à des parents que nous avons à V…

— Mauvais moment que vous avez choisi pour voyager, messieurs, dit le vieillard en hochant la tête et en secouant le foyer de sa pipe sur le coin de la table pour en faire tomber la cendre.

— Pourquoi donc ? demanda Julian.

— Parce que le pays n’est pas tranquille, tant s’en faut, reprit le vieillard.

— Que me dites-vous là ? fit Julian avec une véritable surprise.

— Ignorez-vous donc ce qui se passe ?

— Complétement. Comment saurions-nous quelque chose ? Depuis douze jours, nous avons quitté notre village, et pendant notre route nous n’avons rencontré personne capable de nous renseigner.

— Eh bien ! s’il en est ainsi, je vous renseignerai moi, messieurs.

— Vous nous ferez un véritable plaisir, dit Julian.

— Écoutez donc, alors, je crois que ce que vous allez entendre vous intéressera.

— Nous en sommes convaincus à l’avance ; à votre santé !

— À la vôtre, messieurs !

On trinqua, les verres furent vidés rubis sur l’ongle.

— Pour lors, reprit le vieillard en reposant son verre sur la table, il faut que vous sachiez que je suis un volontaire de 1792.

— Quel âge avez-vous donc ? demanda Julian avec surprise, à la vue de ce vieillard, à l’aspect vigoureux encore, malgré les longues mèches blanches de son épaisse chevelure, droit comme un i et l’œil encore brillant, affecté seulement d’une claudication très prononcée.