Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/192

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Les deux Basques détalaient avec l’agilité proverbiale de leur pays, sans même avoir conscience de ce qu’ils faisaient et pourquoi ils le faisaient.

Ils couraient ainsi depuis un temps déjà assez long ; ils se croyaient sauvés ; ils étaient seuls, aucune ombre n’apparaissait autour d’eux.

Ils s’arrêtèrent un instant pour reprendre haleine. Le brouillard les enveloppait ; un silence profond régnait sur cette campagne en apparence déserte ; c’était en vain qu’ils tendaient l’oreille ; ils n’entendaient rien.

Ils allaient repartir, lorsque soudain plusieurs coups de feu éclatèrent et deux hommes vinrent rouler presque à leurs pieds, en proie aux affres de l’agonie.

Au même instant, une vingtaine de soldats parurent, se ruèrent sur eux, et les deux jeunes gens furent faits prisonniers, sans avoir même conscience de ce qui leur arrivait, tant ces divers événements s’étaient rapidement accomplis.

Julian était un homme d’une bravoure folle, et pourtant, lorsqu’il se sentit entre les mains des soldats, sa première pensée fut celle-ci :

— C’est la fatalité ! Je suis perdu !

Son visage pâlit, son cœur se serra, une angoisse terrible gonfla sa poitrine, deux larmes jaillirent de ses yeux ; il chancela et faillit s’évanouir.

— Pauvre père ! pauvre Denisà ! murmura-t-il.

Ce fut tout.

Soudain la réaction se fit. Il se redressa, un sourire amer plissa ses lèvres, il laissa tomber un regard dédaigneux sur ces hommes qui se félicitaient de leur capture et devint de marbre.

Quelques minutes avaient suffi pour faire disparaître tout ce qui était resté de l’enfant en lui et en faire un homme dans toute l’acception du mot.

— Allons, en route, mauvaise troupe dit en ricanant un vieux sergent.

— Où nous conduisez vous ? demanda Bernardo, ahuri de ce qui s’était passé.

— Vous le verrez, quand vous y serez, mon homme,