Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/195

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assez importante, cinq ou six mille francs environ en billets de banque, dans la valise de Julian, et quelques centaines de francs dans celle de Bernardo.

Mais ils fuyaient.

D’après cet aphorisme absurde, surtout en matière de police : Il fuit, donc il est coupable, on les avait arrêtés.

Toute dénégation de leur part resta lettre morte.

Ils étaient étrangers, personne ne les connaissait, et cependant on les avait vus pénétrer dans la ville, à cheval et à la tête des insurgés ; ils étaient évidemment les chefs du mouvement insurrectionnel. Qu’était-il besoin d’autres preuves ?

Cependant, par une inexplicable contradiction, on leur avait rendu leurs valises et leur argent.

Sans doute que ces sommes, réputées d’abord si considérables, ne semblèrent pas, malgré cette première déclaration, assez importantes pour être confisquées.

Les coquins eux-mêmes ont parfois une incroyable pudeur ; quand on est lancé sur une certaine voie, on ne s’abaisse pas à être de simples filous, ce n’est que par millions que l’on procède, ainsi que la suite du coup d’État l’a prouvé, même aux plus incrédules.

Cependant, après quarante-huit heures de tortures inimaginables, on se décida enfin à procéder à l’interrogatoire des malheureux prisonniers.

Mais cet interrogatoire essentiellement sommaire ne fut qu’une simple formalité pour constater leur identité, pas autre chose.

Julian haussa les épaules sans daigner répondre.

Bernardo dit simplement :

— Nous sommes innocents de toute participation à l’insurrection.

Cette réponse était presque naïve, étant donnés les interrogateurs ; elle les fit beaucoup rire.

Puis tous les insurgés, ainsi qu’on les nommait, par antiphrase sans doute, furent entassés sur des charrettes, sans même quelques bottes de paille pour étendre leurs membres endoloris, et conduits à M… siège de la… division