Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/20

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— Peut-être, père ; mais songez quel désespoir ce sera pour vous, si demain vous apprenez que, presque sous vos yeux, un crime a été commis, que vous pouviez empêcher.

— Julian ! Julian ! que dis-tu donc, fils ! s’écria le docteur.

— La vérité, père ; quant à moi, ma conviction est faite, je vous l’ai dit, j’ai le pressentiment d’un malheur ; si vous refusez de m’accompagner…

— Eh bien ?

— Eh bien, père, j’irai seul ; j’y suis résolu.

Il y eut quelques secondes de silence ; le docteur réfléchissait, il connaissait son fils, il savait que rien ne l’empêcherait de faire ce qu’il disait si nettement ; danger ou non, il ne lui convenait pas de le laisser ainsi seul tenter cette aventure.

— Eh bien, soit ! dit-il après un instant ; partons donc, entêté, puisque tu le veux absolument.

— Merci, père, merci ; je savais bien que vous consentiriez à m’accompagner ; pendant que vous prendrez votre manteau, moi, je préparerai le canot ; allez, vous me retrouverez à l’estacade.

Le docteur se dirigea tout grommelant vers la maison, tandis que le jeune homme s’élançait, presque en courant, vers le fond du jardin.

Quelques minutes plus tard, son père le rejoignit et s’assit à l’arrière de l’embarcation.

Julian saisit les avirons, et, profitant de l’ombre des arbres, il commença à remonter le cours de la Nivelle, de façon à traverser la rivière et à aborder sur l’autre rive, un peu au-dessus de l’endroit où s’élevait la maison hantée.

Mais tout à coup Julian rentra ses avirons et s’accrocha vigoureusement après une racine d’arbre afin de rendre le canot stationnaire.

— Qu’y a-t-il ? demanda le docteur à voix basse.

— Regardez, père, répondit le jeune homme sur le même ton.