Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/230

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Puis chacun reprit sa place à la table.

— Maintenant, causons, dit Main-de-Fer.

— Ces cavaliers doivent être nombreux, reprit Cœur-Sombre. Votre intention est-elle de les recevoir ?

— Dieu m’en préserve. De bonne volonté, je ne leur ouvrirai pas ma porte, à cette heure de nuit surtout.

— Croyez-vous donc avoir à redouter quelque violence de leur part ?

— Je ne sais, répondit le Canadien avec agitation, mais j’ai toujours entendu dire qu’il n’y a rien de meilleur, pour parlementer, que d’être derrière des murs solides et une porte bien fermée ; aussi, n’ouvrirai-je qu’à bon escient ; les gens qui galopent ainsi à travers la prairie, à cette heure de nuit, ne doivent pas avoir de bonnes intentions.

— Peut-être vous trompez-vous. Voyons, parlez franchement et sans ambages ; avez-vous des voisins qui vous en veulent ? Craignez-vous une attaque.

— Je n’ai aucuns voisins à cent milles à la ronde ; mais je ne suis pas tranquille.

— Est-ce que le Mayor, dont nous parlions, serait plus près de nous que vous le supposiez ?

— Je le crains.

— Que comptez-vous faire, si c’est lui qui revient ?

— Ne pas ouvrir, si cela est possible.

— Très bien, les chevaux se rapprochent rapidement ; il n’y a plus de doute, c’est de ce côté qu’ils se dirigent ; cachez les lumières, empêchez les chiens d’aboyer et attendons ; nous saurons bientôt à quoi nous en tenir sur le compte de ceux qui arrivent si vite.

Le Canadien se leva, alla décrocher un des fusils, et cacha les lampes allumées dans un placard.

Puis il appela ses chiens qui accoururent vers lui et leur recommanda le silence.

Les deux chasseurs avaient échangé quelques mots de bouche à oreille dans une langue inconnue.

Un obscurité complète et un silence profond régnèrent dans la grande salle de l’auberge.