Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/274

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avec elle en Amérique ; à cet âge, on ne conserve pas encore de souvenirs ; cependant, je crois que vous avez raison, et que la chaleur n’est jamais aussi élevée en France.

— C’est vrai, c’est vrai, et où allez-vous comme cela, monsieur Armand ?

— Ma foi, je ne sais trop ; je vais un peu au hasard, faire une promenade, pousser une reconnaissance et tirer un coup de fusil si l’occasion s’en présente.

— Oh ! le gibier ne manque pas, fit le Canadien en riant ; il y en a de toutes sortes dans la savane, du bon comme du mauvais, vous savez ?

— Je me méfierai. Je ne suis pas un novice.

— Oh ! non, ça, c’est vrai. Vous connaissez le désert comme si vous l’habitiez depuis de longues années. C’est une justice à vous rendre. Avant deux ans d’ici, bien malin sera celui qui vous en remontrera, foi de Charbonneau qui est mon nom ! Si vous continuez, vous ferez un rude coureur des bois : je ne vous dis que cela !

— Vous me flattez, Charbonneau, mon ami ; mais il est certain qu’avec des maîtres comme vous et vos camarades, je reçois d’excellentes leçons, dont j’essaie de profiter le plus que je puis.

— Bon ! des leçons ? Vous n’en avez plus besoin, monsieur Armand ; vous comprenez et devinez tous les secrets du désert, comme si vous n’aviez jamais fait d’autre métier. Vous vous servez de votre carabine aussi bien que moi ; vous montez à cheval comme un Comanche, et ce n’est pas peu dire ; il ne vous manque plus que l’expérience, et elle ne s’acquiert qu’avec l’âge : vous avez du temps devant vous.

— Charbonneau, mon ami, vous êtes un détestable flatteur, dit le jeune homme en riant ; allons, bonne veille !

— Et vous, bonne chasse, monsieur Armand. Qui sait ce que vous nous rapporterez ; seulement, soyez prudent, prenez bien garde ! songez au désespoir de madame la comtesse, s’il vous arrivait quelque chose.