Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/307

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— Erreur, madame la comtesse, les cendres sont un engrais puissant ; si vous repassez par ici dans quelques mois, vous verrez la savane plus belle qu’elle n’a jamais été.

— Mais que signifie donc ce bruit ? s’écria tout à coup la comtesse, on dirait un tonnerre lointain.

— Ah ! ah ! vous commencez à l’entendre, madame. Si je ne me trompe, c’est une migration de grands animaux, peut-être de bisons. Du reste, nous saurons bientôt, je l’espère, à quoi nous en tenir car ils ne tarderont pas à paraître.

— Une migration de bisons ?

— Oui, madame la comtesse ; vingt ou trente mille de ces animaux galopant en troupes ; c’est très curieux, vous verrez !

— Oh ! mon Dieu, si nous étions restés dans la plaine ?

— Nous aurions été irrévocablement perdus. Ces animaux sont d’une bêtise et d’une ineptie désespérantes ; ils galopent droit devant eux, brisant tout sur leur passage ; ne s’écartant jamais de leur route, et renversant en aveugles tout ce qui leur fait obstacle.

— Oh ! mon Dieu !

— Mais, reprit nonchalamment le Canadien, si nous n’avions affaire qu’aux bisons, ce ne serait rien ; on réussit quelquefois à leur échapper, bien que ce soit difficile, mais ce sont les compagnons qu’ils entraînent à leur suite, qui sont surtout redoutables.

— Que voulez-vous dire, et de quels compagnons parlez-vous ?

— Il y en a de plusieurs sortes : d’abord les jaguars, qui voltigent littéralement sur les flancs de la colonne, happant un bison de temps en temps ; puis les loups rouges, qui les chassent en groupe, en glapissant après eux avec frénésie, puis après, des animaux plus féroces encore, des Indiens bravos, ou des pirates de la prairie, les plus redoutables de tous.

— Ainsi, vous craignez ?

— Tout simplement, madame la comtesse, que nous