Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/309

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curieusement les étoiles, cet ouragan soudain aurait pu passer pour un rêve.

Quelques minutes plus tard, la terre, fendillée et pâmée de chaleur, avait complètement absorbé toutes les masses liquides, dont il ne restait plus la plus légère trace.

Alors le bruit que depuis longtemps on entendait, et que le vacarme de l’ouragan avait absorbé, s’éleva de nouveau, mais beaucoup plus rapproché.

— Chacun à son poste ! cria Charbonneau.

Les chasseurs et les peones saisirent leurs armes et allèrent s’embusquer derrière l’abatis.

— Allons-nous être attaqués ? demanda la comtesse.

— Non, madame, pas encore ; ce ne sera qu’après la passée des bisons. Tenez, regardez, madame la comtesse, voici leurs éclaireurs qui arrivent : surtout, abritez-vous bien.

— Ai-je donc quelque chose à redouter de ces animaux ? reprit la comtesse.

— Non, madame. Grâce à Dieu, il leur est impossible de monter ici ; d’ailleurs, nous ne sommes pas sur leur route ; mais l’on ne sait jamais ce qui se cache derrière ces animaux.

Ainsi que l’avait annoncé Charbonneau, quelques bisons isolés commençaient à paraître.

Ils galopaient çà et là par deux et par trois, sans paraître suivre une ligne bien déterminée.

Cependant, après avoir dépassé l’accore de quelque cinquante ou soixante mètres, ils firent un brusque crochet à droite, et s’élancèrent dans l’intérieur de la savane.

Derrière ces bisons en arrivaient d’autres, plus nombreux, qui prirent la même route.

Puis d’autres encore.

Enfin, ils apparurent en masses profondes, galopant la tête entre les jambes et la queue en l’air, renâclant, ébrouant et beuglant à qui mieux mieux.

La savane fut en un instant noire de ces animaux, dont le nombre semblait incalculable.