Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/405

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moi, s’il vous plaît… Je ne suis ni ivre ni fou, vous le savez bien. Causons donc tranquillement, reprit froidement le matelot sans même essayer de se dégager.

Le Mayor le lâcha.

Puis, reprenant peu à peu son sang-froid :

— Pardonne-moi, Sébastian, mon fidèle, reprit-il du ton le plus amical, bien que sa voix tremblât légèrement. Je ne sais ce qui s’est passé en moi en t’entendant m’adresser ainsi subitement cette question.

— Il faut cependant que vous y répondiez, mon colonel, reprit le matelot en hochant la tête.

— Mais pourquoi cette insistance ?

— Vous le saurez ; mais répondez, je vous en prie…

— Eh bien, puisque tu l’exiges oui, je suis certain qu’elle est morte ; d’ailleurs, toi qui l’as jetée dans la fosse que tu as ensuite comblée, tu le sais aussi bien que moi.

— Je sais ce que nous avons fait, mais j’ignore ce qui s’est passé plus tard. Croyez-vous qu’il soit possible qu’on l’ait sauvée ?

Le Mayor se faisait une violence extrême pour paraître calme.

Son visage prit une teinte verdâtre ; une sueur froide inondait son front, et des tressaillements nerveux secouaient tout son corps.

Il se versa un grand verre d’eau et le but d’un trait.

— Écoute, reprit-il d’une voix sourde. Un mois après l’événement auquel tu fais allusion, la police fut, j’ignore par quel hasard, mise sur les traces de la mort de cette femme. La fosse fut ouverte en présence de plusieurs personnes, et l’on dressa un procès-verbal dont je possède le double. La fosse ouverte, on trouva un cadavre de femme garrotté étroitement, méconnaissable, à cause de sa décomposition avancée ; mais ce cadavre avait de longs cheveux blonds, il était revêtu des vêtements de la femme que tu sais : cela fut constaté ; les vêtements étaient tous marqués à son chiffre et numérotés ; de plus, on trouva dans un des gants, que la morte portait encore à