Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/43

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jeune fille n’était pas tout simplement la suite de leur amitié d’enfance.

Aussi avait-il résolu déjà depuis quelques jours de tenter une démarche décisive auprès de Denisà, l’obliger à se déclarer et mettre ainsi un terme aux angoisses qui lui serraient secrètement le cœur.

Il était surtout décidé à tenter cette démarche parce que, avec cette perspicacité que donne la jalousie, il avait deviné un rival parmi les autres jeunes gens qui, comme lui, courtisaient la jeune fille.

Ce rival était un jeune homme appartenant à une riche famille de cultivateurs du village de Serres.

C’était un beau et fier jeune homme de vingt-trois à vingt-quatre ans, taillé en hercule ; hautain, fier de sa richesse, querelleur ; passablement mauvais sujet, et fort redouté des autres jeunes gens de son âge, à cause de son adresse et de sa force, que personne d’entre eux n’égalait ; c’était en un mot une espèce de coq de village.

Il avait, disait-on, eu plusieurs maîtresses, qu’il avait abandonnées après les avoir perdues ; et, à diverses reprises, il s’était attiré d’assez mauvaises affaires, dont il n’était sorti que grâce à l’influence dont jouissaient ses parents, et surtout en payant de fortes sommes ; aussi était-il au moins aussi méprisé qu’il était craint.

Mais nul n’osait se plaindre ; au contraire, cet homme avait des envieux, des admirateurs et surtout des flatteurs ; comme tous ceux qui savent s’imposer, à tort ou à raison, parce qu’ils sont les plus forts.

Ce jeune homme se nommait Felitz Oyandi ; il avait nettement affiché ses prétentions et son amour pour Denisà, déclaration qui avait fait aussitôt reculer tous les autres prétendants à la main de la jeune fille, bien que celle-ci, sans paraître entendre ou comprendre ses compliments et ses demi-mots, lui témoignât en toutes circonstances une froideur glaciale et un profond dédain.

Mais rien ne décourageait Felitz Oyandi ; il avait, à plusieurs reprises, affirmé qu’il épouserait Denisà, et