Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est juste, dit Julian ; pardonnez-moi, mon père, je l’avais oublié.

— Je comprends cela, dit en riant le docteur, tu ne penses qu’à ta fiancée, et tu ne vois qu’elle.

— Il a raison ! s’écrièrent les dames en riant.

— Pardieu, je le sais bien ! reprit le docteur avec bonhomie : c’est précisément pour cela que nous, qui sommes sages et de sang-froid, nous devons réfléchir pour lui et pour sa charmante fiancée, dans l’intérêt même de leur bonheur. Il importe donc que Julian et Bernardo fassent au plus vite légaliser leur position, et rentrent dans la plénitude de leurs droits civils et politiques. Pour cela, il faut qu’ils se présentent en personne au général français commandant l’État de Sonora, et fassent ainsi acte de soumission au gouvernement impérial.

— En commettant une lâcheté, dit Julian, d’une voix sourde, en fronçant les sourcils.

— Julian ! dit le docteur d’un ton de reproche.

— Eh ! mon père, avez-vous réfléchi à ce que vous exigez de moi ? s’écria le jeune homme avec force. En vous obéissant, je commettrais une lâcheté ; je répète le mot, parce qu’il est juste, trop juste malheureusement…

Tous les assistants regardaient avec stupeur et une admiration douloureuse le fier jeune homme qui s’était soudain redressé, dont les regards semblaient lancer des éclairs, et qui les dominait sous le coup de sa généreuse indignation.

— Eh ! quoi, continua-t-il d’une voix éclatante, il a plu à un homme banni et mis hors la loi de reconnaître, par la plus honteuse perfidie, la plus inavouable ingratitude, les bienfaits du gouvernement républicain, qui lui avait rendu tous ses droits et l’avait élu son premier magistrat ; il a plu à cet homme, dis-je, parce qu’il porte le nom de Napoléon, de se prétendre l’héritier de l’homme de Brumaire, de trahir tous ses serments, de violer la Constitution qu’il avait jurée librement ; de traîner dans la boue tous les droits de cette nation qui l’avait amnistié, et de ramasser dans une mer de sang la couronne