Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/47

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Cependant, le temps s’écoulait rapidement. Il était près de onze heures ; déjà quelques jeunes filles commençaient à plier leur ouvrage ; d’autres avaient, depuis quelque temps, cessé de travailler.

Felitz Oyandi, depuis quelques instants, s’était rapproché de la cheminée ; il s’avança vers Denisà qui, pendant toute la soirée, avait été chargée par sa mère d’entretenir le feu et, après l’avoir saluée respectueusement, salut auquel la jeune fille répondit par une froide inclination de tête, il se baissa, ramassa une bûche préparée pour alimenter le feu, et se baissant devant la cheminée :

Anderia — mademoiselle — dit-il en souriant, le feu semble s’éteindre depuis un moment, permettez-moi de le ranimer avec cette bûche…

Et il plaça le morceau de bois à l’endroit où la flamme avait le plus de force.

Un silence profond s’était aussitôt établi dans la salle, chacun attendait, les uns avec anxiété, les autres avec curiosité, ce qui allait se passer.

Denisà avait, sans répondre, laissé mettre le bois au feu, mais, aussitôt que le jeune homme se releva, elle saisit de longues pincettes, posées près d’elle, retira la bûche toute fumante et la dressa droite contre l’âtre, où elle s’éteignit presque aussitôt.

Felitz Oyandi frissonna, son visage devint livide ; il essaya de sourire, courba la tête et se recula furieux au milieu des rires moqueurs des jeunes filles.

La réponse allégorique de la jeune fille le condamnait sans appel ; c’était un congé définitif.

En retirant la bûche du feu et la dressant contre l’âtre, elle avait clairement dit au jeune homme : « Je ne vous aime pas ; je ne vous aimerai jamais. »

À peine Felitz Oyandi avait-il disparu au milieu des groupes, où il essayait de railler pour cacher son désappointement et sa colère, que Julien d’Hirigoyen s’approcha à son tour de Denisà ; après l’avoir saluée, il lui dit d’une voix émue et tremblante, car de l’expérience qu’il allait tenter dépendait son bonheur à venir :