Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/78

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— Il n’en avait aucun, docteur, je vous le jure ! interrompit-elle vivement avec un regard indigné.

— Je ne discute pas, madame, je suis à l’avance convaincu que ces motifs n’existaient pas en réalité, mais il a pu être trompé par des rapports calomnieux.

La marquise fit un geste de dénégation.

Le docteur continua :

— Il voulait se venger ; vous étiez en son pouvoir, aucun secours humain ne pouvait vous soustraire à lui. La situation était bien simple : vous tuer, soit d’un coup de poignard, soit en vous obligeant à boire un poison qui vous aurait foudroyé ; mais votre mari tient à la fois du tigre et de la hyène. Pour lui, cette mort était trop prompte ; elle ne lui suffisait pas. Ce qu’il voulait avant tout, c’était raffiner sa vengeance, vous condamner à souffrir d’horribles tortures avant que d’expirer. Ce raffinement de cruauté a fait misérablement avorter sa vengeance ; me comprenez-vous, maintenant ?

— Cela est vrai jusqu’à un certain point ; mais vous pouviez ne pas être là tout auprès, à portée de me sauver ?

— Voici précisément où apparaît logiquement le doigt de la Providence, madame ; c’est encore l’excès de précautions, qui a amené notre présence sur le théâtre du crime ; au lieu de vous tuer, par exemple, dans le souterrain même qui conduit à la grotte et de vous y enterrer, il vous a conduite dans cette maison inhabitée depuis vingt ans, qui passe pour hantée et dont chacun se détourne avec horreur ; de mon jardin, mon fils et moi nous avions aperçu la lumière qui servait au misérable chargé de creuser la fosse ; nous avons voulu savoir ce que signifiait cette lumière ; la curiosité nous a engagés à aller voir ; et voilà comment nous avons assisté invisibles à l’horrible scène que vous savez ; votre mari n’a pas réussi pour deux raisons, la première, sa férocité, la seconde, l’excès de précautions.

— Vous expliquez tout, docteur, d’une façon admirable, je suis contrainte de vous donner raison ; vous pensez que mon mari ne reviendra pas avant longtemps, pourquoi ?