Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/91

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lise, la marquise plaça les papiers, les bijoux et les vêtements masculins dans une grande malle, et elle les recouvrit avec des robes, des châles de l’Inde auxquels elle tenait beaucoup, de magnifiques dentelles, des fourrures et des manteaux ; Clairette emporterait avec elle cette énorme malle, comme lui appartenant ; de cette façon la marquise pourrait à sa guise prendre le costume masculin ou les vêtements féminins, sans être contrainte à des achats d’un prix considérable et qui éveilleraient peut-être l’attention.

La marquise achevait de fermer la malle lorsque Clairette entra riant et pleurant à la fois, et tenant à la main une lettre ouverte.

Quelques minutes auparavant, un de ces messagers, comme il en existe encore au pays basque, était arrivé à l’hôtel, avait demandé la jeune fille au concierge, et lui avait remis une lettre très pressée. Lorsque la fillette arriva, plusieurs domestiques de l’hôtel se trouvaient dans la loge ; Clairette décacheta la lettre devant eux, escamota adroitement un petit papier qu’elle contenait, puis après avoir lu la lettre avec une émotion fort bien jouée et qui fixa sur elle l’attention générale, elle la relut à haute voix.

Cette missive avait douze jours de date ; elle annonçait à Clairette qu’un oncle qu’elle n’avait jamais eu venait de mourir après une courte maladie, lui léguant en toute propriété sa maison de Chaville, avec tous ses meubles et cinq vaches laitières. Qu’elle devait, aussitôt après la réception de la lettre, partir pour aller prendre possession de cette petite fortune, si elle voulait éviter des embarras et des ennuis. La lettre était signée d’une façon presque illisible par un notaire de Versailles. Elle contenait un bon de cent francs sur la poste pour frais de voyage, mais la jeune fille devait partir sans perdre une minute. Le bon de cent francs convainquit les domestiques de la réalité du fait. Tous félicitèrent chaleureusement la jeune fille et l’engagèrent à demander son congé à sa maîtresse et à partir le jour même.

— On ne plaisante pas avec les héritages, dit senten-