Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/102

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— Soit, dit-il après un instant, parlez ; nous vous écoutons ; mais soyez bref.

— Ne craignez rien, dit-il avec un sourire sinistre : je suis aussi pressé que vous d’en finir.

Et il commença son récit d’une voix posée et un peu lente, afin de permettre au Cœur-Loyal de tout écrire, ce que du reste celui-ci accomplissait avec une remarquable habileté.

On aurait dit qu’il n’avait fait autre chose de sa vie.

Cette histoire, nous ne la raconterons pas.

C’était un tissu de crimes plus horribles les uns que les autres, dont naturellement la responsabilité appartenait, au dire de l’ancien matelot, tout entière au Mayor, et voici pourquoi :

Depuis des siècles la famille de Sebastian avait constamment servi, avec un dévouement à toute épreuve, la famille du Mayor.

Élevé tout enfant près de celui-ci, Sebastian, habitué à lui témoigner un profond respect et suivant les traditions de dévouement de sa famille, s’était accoutumé à obéir sans résister à toutes les volontés et aux caprices de son jeune maître.

Avec l’âge, ce dévouement s’était accentué et avait pris des proportions telles que, quoi que lui disait le Mayor, il le faisait, persuadé que c’était son devoir.

Quelles que dussent être les conséquences de cette obéissance à toute outrance, devenu homme, Sebastian eut certaines velléités de résistance, mais le pli était pris, le Mayor le brisa d’un seul coup et le mit pour toujours dans son entière dépendance.

Tout cela était vrai jusqu’à un certain point ; mais on aurait pu faire bien des observations sérieuses à cette obéissance féodale dont, s’il l’avait véritablement voulu, Sebastian se serait facilement libéré.

Mais dans son récit, plus que passionné, il importait qu’il appuyât le plus fort possible, afin de se disculper, sur l’ascendant que son maître avait pris sur lui ; et il ne s’en fit pas faute.