Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/154

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soupçons, dit Navaja ; ils semblaient, en parlant ainsi, aller au-devant d’une objection probable.

— Et les Comanches, ajouta Felitz Oyandi ; que penses-tu de leur visite ?

— Ceci est encore plus facile à expliquer. Les Comanches sont sur leurs territoires de chasse, et de plus, ils ont de sérieux motifs de plaintes contre moi.

— Soit ; mais ne trouves-tu pas tout au moins cette coïncidence singulière ?

— Non, elle me semble au contraire toute naturelle.

— Ainsi, tu ne crois pas à une alliance entre les chasseurs, les Peaux-Rouges et don Cristoval de Cardenas ?

— Non. J’ajouterai même que je la crois impossible. À la rigueur, peut-être, les Comanches, dont le respect pour l’haciendero est très grand — car ils le considèrent comme étant un de leurs grands sagamores — pourraient s’allier avec lui à tout autre moment que celui où nous sommes.

— Pourquoi pas à présent ? demanda Felitz Oyandi.

— Parce que c’est l’époque des grandes chasses d’automne, je te le répète, et que le succès ou le non succès de ces chasses est pour les Peaux-Rouges une question de vie et de mort, puisque c’est alors qu’ils font leurs approvisionnements pour l’hiver, et se procurent la nourriture pour les femmes, les enfants et les vieillards qui les attendent dans leur atepelt d’hiver : s’ils manquent ces chasses, c’est pour eux la famine, c’est-à-dire la mort, puisqu’ils ne cultivent pas la terre, et que les quelques céréales qu’ils mangent conjointement avec le gibier, ils les échangent dans les comptoirs contre les fourrures des animaux qu’ils ont tués.

— Ces raisons sont tout au moins spécieuses. Il me serait très facile de les réfuter d’un seul mot : Don Cristoval pourrait, s’il le voulait très bien, indemniser les Peaux-Rouges de cette perte des grandes chasses en leur fournissant tous les vivres dont ils auraient besoin, et probablement il s’y est engagé en traitant avec eux.

— Tout cela n’a pas le sens commun.