Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serrement de cœur, un malaise incompréhensible, une tristesse ou une gaieté que rien ne justifiait.

— C’est étrange ! murmura Julian.

— Oui, mais cela est ainsi.

— Est-ce donc sous le coup d’un de ces pressentiments que vous êtes venu me trouver si matin ? dit le chasseur en essayant de sourire.

— Riez, si cela vous plaît, monsieur, je ne m’en formaliserai nullement, mais cela est ainsi que vous me le dites.

— C’est vraiment singulier, et ce pressentiment, puis-je le connaître ?

— Certes, monsieur, je tiens même à ce que vous sachiez bien sous le coup de quelle préoccupation je viens vous voir.

— Ma foi, monsieur, je ne vous cacherai pas que vous éveillez ma curiosité.

— Je vais la satisfaire, monsieur. J’avais passé la nuit dans un rancho où, sans doute d’après vos ordres, j’avais été accueilli de la façon la plus hospitalière ; après quelques heures d’un excellent sommeil, je m’étais levé un peu avant l’apparition du soleil, frais, dispos, et, ma foi, pourquoi ne pas vous le dire, très satisfait d’être enfin libre de ma personne, riche et débarrassé de tous mes ennuis, qui certes n’étaient pas minces. J’étais donc dans les plus excellentes dispositions, car le passé ne m’inquiétait plus, et l’avenir me souriait. Je vous prie de me pardonner d’appuyer ainsi sur ce point, mais je tiens à ce que vous soyez bien convaincu que rien ne me troublait l’esprit.

— Ces détails étaient indispensables sans doute à ce qui va suivre ?

— Vous en jugerez, monsieur. J’allai baigner mon cheval ; je l’étrillai avec soin, puis, je le remis au corral, et, après lui avoir donné la provende, je me rendis dans une pulqueria ouverte seulement depuis quelques instants, et cependant remplie déjà d’une nombreuse assistance de vaqueros, qui, comme moi, venaient boire leur coup du