Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/332

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dit-elle avec une douloureuse ironie, et je ne suis pas autre chose, pour vous du moins ; mais continuez, je vous prie, Armand, j’avais donc avec moi cette fortune.

— Oui ; l’auriez-vous donc véritablement oublié !

— Il faut que vous sachiez une chose, mon ami, que je n’ai jamais eu jusqu’à présent occasion de vous dire : c’est que depuis le jour où vous m’avez sauvée, je me suis appliquée, et j’ai fait les plus grands efforts pour effacer de ma mémoire le passé ténébreux et si triste de ma première existence… Je ne me souviens plus de rien, j’ai tout oublié ; ma vie ne date pour moi que du jour béni où j’ai été adoptée par votre bonne mère et par vous, cher Armand. J’ai cru devoir faire ce sacrifice à ma reconnaissance, afin d’être entièrement libre de chérir mes sauveurs et mes bienfaiteurs.

— Chère Vanda, aucune femme ne possède autant et aussi complètement que vous toutes les délicatesses de l’âme. Je vous remercie pour ma mère.

— Trêve de galanterie, je vous prie, Armand, et revenons à ce que nous disions tout à l’heure. Donc je suis riche ; veuillez me dire quelles conséquences cette fortune, si elle existe réellement, peut avoir sur mon avenir ?

— D’immenses, hélas !

— Vous les regrettez ainsi, sans les connaître ?

— Oui, parce que je les prévois à l’avance.

— Dans votre pensée, quelles sont-elles ?

— Il en est une, la principale, dont toutes les autres découleront.

— Laquelle, s’il vous plaît ?

— Vous vous marierez.

— Vous vous trompez, mon ami ; probablement, je ne me mariera ! jamais.

— Vous dites cela, Vanda, et vous le croyez certainement ; mais quelque jour, dans un avenir plus ou moins rapproché, le hasard vous fera rencontrer dans un salon un brillant cavalier, aimable, beau…

— Jamais aucun homme, dit-elle avec sentiment, ne