Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/411

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ne comprend pas un mot de français ; elle ne voit et ne fréquente personne ; depuis son arrivée à Paris, elle n’a pas mis le pied hors de l’hôtel, sauf pour aller le dimanche à la messe.

— Oui, mais malheureusement, à Hermosillo, lors de notre expédition contre l’hacienda, quand j’étais pour ainsi dire entre la vie et la mort, j’eus la faiblesse de tout lui dire, de lui avouer que sa fille vivait, de lui révéler le nom de la comtesse.

— Oh ! oh ! voilà une imprudence dont je ne vous aurais pas cru capable, mon ami ;

— Que voulez-vous ? j’étais malade, affaibli par la perte de mon sang ; je n’avais pas la plénitude de ma raison. Cette femme m’avait sauvé la vie. Je me laissai aller je ne sais comment à cette confidence. Mais j’en fus promptement et cruellement puni, car ce fut depuis ce jour que ses manières changèrent complètement envers moi. Elle ne pensa plus qu’à sa fille dont elle me parlait constamment. J’essayai plusieurs fois de revenir sur ma confidence et de lui donner le change, mais ce fut en vain : je ne réussis qu’à la persuader davantage que d’abord je lui avais dit la vérité, et elle se cramponne à cette idée, dont rien ne peut à présent la faire revenir.

— Mais sachant cela, comment avez-vous été assez imprudent pour l’amener avec vous à Cuba, et de là en France ? N’aurait-il pas mieux valu la laisser à Hermosillo dans sa famille ? Vous auriez ainsi évité tous les embarras qu’elle vous donne, et peut-être ceux, plus grands encore, qu’elle vous donnera dans l’avenir ?

— Que voulez-vous, mon ami ? Je l’aimais encore, à cette époque, j’espérais, que sais-je ! qu’elle oublierait, peut-être. Elle me supplie de ne pas la laisser seule ; je n’eus pas la force de refuser. Ce fut une faute ; je me la reproche tous les jours. Mais alors, elle n’était pas encore ce qu’elle est devenue plus tard. Aujourd’hui, elle a fait de notre intérieur un véritable enfer ! C’est une lionne ; elle ne veut rien écouter. Les choses en sont venues à ce point, que je redoute à chaque instant qu’elle ne commette