Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/54

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déjà, toi et moi, fils, de cet événement mystérieux, se rapporte entièrement, et complète le récit de cet homme. Évidemment, le marquis de Garmandia a joué la comédie odieuse d’un suicide pour échapper au châtiment du crime qu’il avait commis. Tout cela est bien dans le caractère de ce monstre. Qu’il ait réussi à s’enfuir et à passer en Amérique, cela n’a rien d’extraordinaire ; que, mort pour tout le monde, mis au ban de la société et privé de ressources, il se soit retiré au désert et que, caché au milieu des bandits de toutes nations qui le parcourent dans tous les sens, il ait cherché dans le crime l’argent qui lui manquait pour satisfaire ses vices et ses passions, tout cela est d’une logique incontestable ; le remords ni le repentir n’existent pas pour une organisation physique et morale de cette trempe. Ce parti était certainement le seul qu’il devait et pouvait prendre. Donc, il n’y a pas à en douter, cet homme est bien véritablement le marquis de Germandia ; ce qui, du reste, suffirait à le prouver, ce serait non seulement son intimité avec ce misérable Felitz Oyandi, qu’à la rigueur il peut ne pas avoir connu en Europe, et avec lequel le hasard l’aura sans doute fait rencontrer dans la savane, par cette attraction mystérieuse qui attire les bandits les uns vers les autres et les fait se reconnaître au premier regard, mais surtout avec ce Sebastian, cet ancien matelot, que tu as arrêté ce matin, au moment où il escaladait le mur du parc et que, m’as-tu dit, tu as reconnu pour l’avoir vu dans la maison hantée la nuit du crime.

— Malgré les quatorze ans qui se sont écoulés depuis cette nuit néfaste, mon père, cet homme n’a pas changé ; le temps n’a pas eu de prise sur lui ; il est resté tel qu’il était alors : quand vous le verrez, vous le reconnaîtrez au premier regard.

— Donc, reprit le docteur, l’identité du marquis de Garmandia est bien établie pour nous ; il a changé de nom, voilà tout. Mais il est une chose qu’il nous importe de découvrir, car elle est d’une importance extrême : sait-il que sa femme a été sauvée, et qu’elle existe encore ?