Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/224

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ce fut en vain. Je fus vaincu dans cette lutte contre moi-même ; mon amour fut plus fort que ma volonté. Alors, n’ayant pu le tuer en moi, je m’y livrai avec tout l’emportement de la passion la plus folle ! Vous aviez quitté l’Amérique pour vous rendre à Paris ; quels que fussent les dangers qu’il me faudrait braver si je rentrais en France, je n’hésitai pas à y venir. J’oubliai tout pour la seule joie de vous voir, de vous admirer, car je vous admire, car je vous aime ! oh ! je vous aime comme un insensé !

— Vous m’aimez, dites-vous, monsieur ? dit-elle, devenant plus froide et plus sévère, au fur et à mesure que cet homme s’exaltait.

— Plus que ma vie ! s’écria-t-il avec passion, car je risque chaque jour ma tête pour entrevoir un pli de votre robe, ou seulement le coin de votre voile que le vent soulève et fait flotter autour de votre visage, si charmant, hélas !

— Vous m’aimez, je l’admets, répliqua-t-elle avec un accent glacé ; mais avant de me déclarer cet amour, monsieur, et de me conduire ici en employant une odieuse violence, vous auriez dû, il me semble, me demander d’abord si je vous aimais, moi, monsieur !

— Lucy, pourquoi me parler sur ce ton qui me brise le cœur ?

— Et moi, monsieur, s’écria-t-elle avec énergie, supposez-vous donc que je ne souffre pas des insultes répétées que vous me faites subir ?

— Oh ! pardonnez-moi, Lucie, je vous en supplie en grâce. Je vous aime tant, chère Lucy, que mon amour vous touchera, et qu’un jour vous m’aimerez aussi.

— Jamais ! s’écria-t-elle avec un indicible accent de volonté. Peut-être aurait-il pu en être autrement, mais maintenant, sachez-le, monsieur, tout nous sépare.

— Lucy ! s’écria-t-il, en se levant avec violence.

— Mais, reprit-elle, dans l’espoir de dompter cette bête féroce, qui semblait vouloir s’élancer sur elle ; si vous l’aviez voulu, vous aviez un moyen bien simple.