Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/29

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Ils étaient gais et munis d’un excellent appétit.

Le premier service fut presque silencieux, mais dès que le second parut sur la table, la conversation devint peu à peu plus vive.

Le Mayor avait prévenu le garçon qu’ayant à causer d’affaires sérieuses avec son ami, il ne devait pas entrer sans être appelé ; il n’avait donc pas à redouter d’indiscrétion, et pouvait parler en toute franchise.

Les garçons de cabinet sont par état à cheval sur les consignes qu’ils reçoivent, sachant très bien que plus il y a de mystères dans les cabinets, plus leur pourboire est élevé.

— Nous n’avons pas à nous gêner ici, n’est-ce pas ? dit Felitz Oyandi.

— Pas le moins du monde, nous sommes chez nous, répondit le Mayor ; d’ailleurs qui nous empêche de causer en notre langue maternelle ?

— Tu as ma foi raison, reprit Felitz Oyandi en ricanant, on ne saurait prendre trop de précautions.

— Oh ! toi, ce n’est pas la prudence qui te manque, dit le Mayor en riant, tu en as même trop, à mon avis.

— La prudence est une vertu, dit sentencieusement Felitz Oyandi en changeant d’idiome et adoptant la langue basque ; on ne peut pas en avoir trop.

— À ton aise, mon camarade, parlons donc basque, je ne demande pas mieux ; et, maintenant, qu’as-tu à me demander

— Tout simplement pourquoi je ne t’ai pas vu depuis près d’une semaine ? et pour quelle raison, toi qui semblais si pressé de mettre les fers au feu, d’après ta propre expression, tu m’as donné contre-ordre ? Et, au lieu de pousser jusque chez moi, tu m’as prévenu seulement ce matin par un mot, que nous souperions ensemble ce soir, et que tu m’attendrais au rond-point des Champs-Élysées, à onze heures un quart, dans une voiture de place, que du reste, nous avons quittée au coin de la rue Vivienne pour nous rendre ici à pied.