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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Peuh ! fit le Canadien en avançant la lèvre inférieure avec dédain, ce n’est guère.

— Vous trouvez ?

— Ma foi, oui.

— Je ne vous demande qu’une chose bien facile cependant pour vous les faire gagner.

— Quoi donc ?

— D’attacher le nègre, de le mettre dans votre pirogue et de me l’amener.

— Très-bien ; ce n’est pas difficile, en effet ; et lorsqu’il sera entre vos mains, en supposant que je consente à vous le rendre, que comptez-vous faire de ce pauvre diable ?

— Ceci n’est pas votre affaire.

— C’est juste ; aussi ne vous le demandé-je que comme simple renseignement.

— Voyons, décidez-vous, je n’ai pas de temps à perdre en vaines paroles ; que me répondez-vous ?

— Ce que je vous réponds, master John Davis, à vous qui chassez les hommes avec des chiens moins féroces que vous, et qui en vous obéissant ne font que ce que leur instinct leur enseigne ? Je vous réponds ceci : c’est que vous êtes un misérable, et que si vous ne comptez que sur moi pour vous rendre votre esclave, vous pouvez le considérer comme perdu.

— Ah ! c’est ainsi, s’écria l’Américain en grinçant des dents avec rage et se tournant vers ses domestiques, feu sur lui, dit-il, feu ! feu !

Et joignant l’exemple au précepte, il épaula vivement son rifle et tira. Ses domestiques l’imitèrent, quatre coups de feu retentirent et se confondirent en une seule explosion, que les échos de la forêt répétèrent sur un ton lugubre.