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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

sommes contraint d’avouer que cette confidence, loin d’exciter les guerriers et les chasseurs, ralentit au contraire singulièrement leur ardeur, en leur révélant qu’ils allaient s’exposer à un danger terrible en luttant contre un homme d’autant plus redoutable que nulle arme ne pouvait l’atteindre et que ceux qui, jusqu’à ce jour, avaient osé l’attaquer avaient été victimes de leur témérité.

Cependant il était trop tard pour reculer, la fuite était impossible ; les guerriers, bien qu’à contre-cœur, se décidèrent à pousser en avant.

Quant aux deux chasseurs, s’ils ne partageaient pas complétement l’aveugle crédulité de leurs compagnons et leurs craintes superstitieuses, cette lutte était loin de leur plaire ; cependant, retenus par la honte d’abandonner des hommes auxquels ils se persuadaient d’être supérieurs comme intelligence et même comme courage, ils se décidèrent à les suivre.

— Seigneurie ! s’écria le moine d’une voix lamentable lorsqu’il vit apparaître les Indiens, ne m’abandonnez pas.

— Non, si tu ne t’abandonnes pas toi-même, drôle ! répondit le Scalpeur.

Arrivés sur la lisière de la clairière, les Apaches, suivant leur tactique habituelle, s’abritèrent derrière chaque tronc d’arbre, si bien que cette clairière resserrée, où tant d’hommes étaient sur le point de commencer un combat acharné, semblait être complétement déserte.

Il y eut un moment de silence et d’hésitation.

Le Scalpeur se décida à prendre le premier la parole.