que moi. Je devins une bonne affaire pour la mère Pacline. Elle me ramenait de temps à autre sur le carré des Halles, et comme j’allais, je venais, et que je bourdonnais toujours, on m’a appelé Mouchette.
— Comprends pas.
— Petite mouche.
— Ah ! bon !
— V’là comment maman Pacline est devenue ma mère. Je ne l’ai plus quittée depuis ce matin-là, et je m’en trouve bien pour elle et pour moi.
Tout en se livrant à quelques interruptions inévitables dans une nature aussi peu primesautière, la Cigale avait prêté la plus sérieuse attention aux paroles du gamin.
— Ce que tu me racontes là me fait du bien au cœur, dit-il. Je suis bien content de m’assurer que c’est une bonne et brave femme.
— Un cœur d’or, tout bonnement.
— Oui, mais…
— Mais quoi ?
— Elle a un défaut.
— Un défaut ! maman Pacline ! Je voudrais bien faire sa connaissance, s’écria Mouchette avec animation.
— Oh ! chacun a les siens, répliqua philosophiquement le colosse. Moi-même, je ne suis pas parfait.
— Tu m’étonnes !
— Ta parole ?
— D’onze heures. Ne rions plus et raconte-moi quel est le défaut de cette chère maman. Je l’en corrigerai.
— Elle aime un peu trop à boire.
— Et après ?
— C’est tout.
— Pas possible, fit le gamin, et tu l’attaques pour ça !
— Dame ! quand elle boit elle s’enivre.
— Quand elle s’enivre elle s’endort et tout est réglé. Ah ben ! le plus souvent que je lui reprocherai sa boisson, à c’te pauvre chérie, c’est sa seule consolation en ce bas monde. Il paraît qu’elle a eu des malheurs dans son jeune temps.
— À ton aise. Où est-elle maintenant ?
— Elle n’est pas rentrée, mais elle ne tardera pas.
— Tu ne sais pas où elle va ?
— Tu me prends pour Coquillard, mon petit vieux !
— Tu ne veux pas me répondre. Alors il faut que je l’attende ici.
— Attendons. Ça ne changera rien à notre position sociale.
— Je peux allumer Bébelle ?
— Qui ça, Bébelle ?
— Ma pipe.
— Pourvu que tu n’abîmes pas les tentures, dit Mouchette en riant sec.
— Non, mais c’est qu’il y a des femmes qui n’aiment pas ce parfum-là.