demande pas un an pour détruire de fond en comble l’association de finauds contre laquelle nous nous sommes cassés le nez.
— Un an !
— Oui, un an ; il nous faudra bien ça. On ne prend pas une forteresse bien défendue comme on avale un petit verre de fine. Laissez-moi établir une batterie, ouvrir mes tranchées et soyez tranquille, garçon, vous aurez votre part du gâteau.
— Je suis à vous, à la vie, à la mort.
— Je le pense, répondit le patron de Charbonneau. J’en suis sûr. Sans cela, vous dégoiserais-je toutes mes intentions ? Vous avez perdu la première manche, mais là, bien perdu. Je veux qu’on nous pende tous les deux, haut et court, par les pieds, au clocher de la Sainte-Chapelle, si nous ne gagnons pas la seconde.
— Et la belle ?
— Pour la belle, on verra plus tard.
— Nous réussirons, monsieur Jules.
— J’y compte, mon vieux ; de votre côté, vous-même, vous pouvez compter que je vous lâche comme un chien galeux si nous remportons notre veste une seconde fois.
— Ce sera justice.
— À propos, et l’affaire de Belleville ?
— Je m’en suis occupé ce matin.
— Est-ce avancé ?
— Oui, monsieur Jules.
— Où en sommes-nous ?
— Ce soir, je pourrai vous donner tous les renseignements nécessaires.
— Avez-vous empaumé le môme ?
— J’ai fait mon possible, répondit Charbonneau, qui n’osait pas avouer son échec probable.
— Viendra-t-il ?
— Il me l’a promis.
— Promettre et tenir sont deux.
— S’il ne vient pas, on se passera de lui.
— L’affaire est importante. Pensez-y. Il y a gros à gagner.
— Je le sais, monsieur Jules, et j’y apporte tous mes soins.
Ici, l’on frappa à la porte.
— Entrez, dit M. Jules.
M. Piquoiseux parut, et s’approchant de son patron, lui dit quelques mots à l’oreille.
Celui-ci fit un geste de surprise,
— Introduisez-le sur-le-champ, dit-il, et renvoyez les autres. Je les recevrai demain.
Piquoiseux sortit.
Alors le patron, ouvrant une petite porte dérobée, recouverte d’une épaisse tapisserie, et s’adressant à Charbonneau, qu’il mit poliment et vivement dehors :