Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/162

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— Allez.

— Approche-toi.

— Oh ! il n’y a pas de danger. Plumet est sûr.

— Je ne suis sûr que de moi.

— Et de moi aussi, pas vrai ?

— Oui. Approche.

Et, se penchant à l’oreille du colosse, Passe-Partout lui parla deux ou trois minutes à voix basse et lui remit deux lettres soigneusement cachetées.

— Tu m’as bien compris ? termina-t-il à voix haute.

— Un enfant de cinq ans aurait aussi bien compris que moi. Ce n’est pas difficile, répondit la Cigale, qui cacha les lettres dans sa poitrine.

Tout en causant, sur l’invitation de Passe-Partout, il avait bu et mangé.

La bouteille était vide.

Dans l’assiette, il ne restait que des os, si bien dépouillés, qu’un chat n’y aurait pas trouvé sa nourriture.

— N’as-tu rien à me remettre ? reprit Passe-Partout.

— Si, mais j’attendais votre demande.

— À la bonne heure ! Tu te formes. Un portefeuille, n’est-ce pas ?

— Le voici.

— Qui te l’a confié ?

— Un domino noir, au bal de l’Opéra.

— Bien.

Passe-Partout prit le portefeuille, l’ouvrit, y jeta un regard rapide, en retira quelques pièces qu’il mit à part, et le serra dans une des poches de sa redingote.

— Autre chose, dit-il ensuite.

— Quoi donc ?

— Caporal ?…

— Il a fait son affaire.

— L’homme ?

— Tombé du premier coup.

— Mort, ou blessé seulement ?

— Tué raide.

— Ses papiers, te les a-t-il remis ?

— Caporal ne les remettra qu’à vous, mon… Passe-Partout, répondit la Cigale.

— C’est bien. Tu n’as rien de plus à m’apprendre ?

— Rien pour le quart d’heure.

— Ce soir, à l’heure convenue, dans l’endroit que tu sais.

— On y sera.

— Amène Caporal.

— On l’amènera.

— Recommande-lui de ne pas oublier les papiers en question.

— S’il les oublie, c’est que j’aurai moins de tête que lui.

— Va, maintenant. Qu’attends-tu ? demanda Passe-Partout.

— Êtes-vous content de votre matelot, mon ca… marade ?