— Au régiment, j’ai été prévôt en second.
— Je voudrais bien savoir dans quel régiment vous avez servi, vous ? fit-il d’un air narquois.
— Dans le quatrième plongeur à cheval, riposta Passe-Partout en riant.
— Vous n’êtes pas bête, vous !
— Vous avez mis du temps à vous en apercevoir.
— Et si vous vouliez, continua-t-il, vous pourriez vous faire une jolie position.
— Où cela ?
— Dans mon agence de renseignements. Hein ? qu’en pensez-vous ?
— Nous en recauserons… si les conditions sont bonnes… je ne dis pas non.
— Il ne dit pas non, c’est oui, pensa M. Jules, je le tiens… Oh ! les conditions, fit-il tout haut, vous les fixerez vous-même, mon cher monsieur… monsieur ?…
— Rifflard, ouvrier cambreur, répondit Passe-Partout avec sang-froid. M. Jules éclata de rire.
— Va pour Rifflard ! et à ce soir.
— Où cela ?
— Ne serez-vous pas à six heures au chevet de notre ami Mauclerc ?
— J’y serai. Ainsi, je puis répondre à ce pauvre diable de blessé que vous ne lui ferez pas faux bond ?
— À six heures précises, ce soir, chez le docteur Martel, allée des Veuves.
— Je vous félicite de votre mémoire.
— Vous verrez plus tard, mon cher monsieur Rifflard, que je n’en manque réellement pas, fit-il avec son air bonhomme, bien plus redoutable que ses roulements d’yeux furibonds.
— Maintenant, cher monsieur Jules, il ne me reste plus qu’à prendre congé de vous.
— Pas avant d’avoir accepté tous mes remerciements pour tout l’ennui que je viens de vous causer, fit M. Jules en lui tendant la main.
Passe-Partout prit bravement la main de M. Jules et la serra assez pour que l’ex-agent crût réellement l’avoir embauché ; puis il se dirigea vers la porte du cabinet.
— Une prière, cher monsieur, dit-il au moment où il en touchait le bouton.
— Parlez !
— Ne pourriez-vous pas m’éviter la corvée de traverser de nouveau cette horrible salle, pleine de gens crottés qui empestent le tabac et le cigare ?
— Ah ! monsieur Rifflard ! monsieur Rifflard ! répondit M. Jules en riant, pour un ouvrier cambreur… D’ailleurs, vous oubliez que j’ai renvoyé tout mon monde.
— Ah ! monsieur Jules ! monsieur Jules ! vous allez redevenir indiscret… Est-ce que je me suis entêté à vous parler de l’affaire Germeur ou de la famille de l’Estang, moi ?
Le sourire s’éteignit sur les lèvres de l’ex-chef de la brigade de Sûreté.
Pour la seconde fois il était réduit au silence, maté par une réponse faite avec un air d’innocence complète par son mystérieux visiteur.