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Le montero rangea son cheval à la gauche du capitaine, et les deux cavaliers se remirent en route.

Cependant la forêt allait s’éclaircissant.

Les arbres s’éloignaient, s’écartaient les uns des autres. L’ombre se faisait moins épaisse, et dans le lointain on pouvait apercevoir des échappées de la campagne.

Après avoir jeté autour de lui un regard soupçonneux, arrivé à une clairière où tout espion se fût difficilement dissimulé à son œil perçant, le montero toucha légèrement le bras du capitaine.

Celui-ci se retourna vers lui.

Le montero lui tendit alors un billet, scellé d’un large cachet armorié ; mais avant de le lui remettre entre les mains :

— De la part de qui vous savez, caballero, fit-il à voix basse.

— Donnez.

— De la part de qui ?

Noël vit que le montero ne lui remettrait le pli cacheté qu’en échange d’un nom.

Il répondit indifféremment :

— De Mme la comtesse de Casa-Real.

— Bien. Prenez.

Noël prit la lettre et se mit en action de la décacheter.

L’autre l’arrêta :

— Vous lirez cela quand vous serez seul ; puis vous le brûlerez.

Le capitaine Noël serra le papier, puis se tournant vers le montero :

— Votre nom, señor ? lui demanda-t-il.

— Juan Romero, Seigneurie.

— Vous êtes dévoué à la comtesse de Casa-Real ?

— Corps et âme.

— Dites-lui que je ferai ce qu’elle désire.

Le montero s’inclina jusque sur le cou de sa monture.

Ils étaient parvenus à la lisière de la forêt.

Une vingtaine de cavaliers les attendaient.

Ces cavaliers laissèrent passer le capitaine et son guide ; ils se rangèrent respectueusement en arrière et s’apprêtèrent à les suivre.

On continua à s’avancer vers l’hacienda de Casa-Real, qui dessinait sa majestueuse silhouette au sommet d’une colline bornant l’horizon de ce côté.

L’hacienda, ou le château de Casa-Real, construit dans les premiers temps de l’occupation espagnole, est certes un des plus magnifiques échantillons du style de la Renaissance en Amérique.

On ne peut lui comparer, et encore désavantageusement, que le palais du comte de La Fernandina et celui du gouverneur de la Havane.

L’aspect en est imposant et grandiose.

C’est bien véritablement le type de ces manoirs féodaux que les nobles aventuriers de ce temps-là se construisaient.

Au moyen de ces forteresses inexpugnables, les gentilshommes de proie